À 10 ans, j’ai reçu un diagnostic de cancer. Pendant des années, je me suis battue pour ma vie à Sainte-Justine. Aujourd’hui, près de 15 ans plus tard, entre ces mêmes murs, je m’apprête à donner la vie. Ce rêve dont j’avais fait le deuil toute jeune.
Un jour de septembre 2008, ma vie a basculé. J’ai 10 ans, et j’apprends que j’ai le cancer. Originaire du Saguenay, on me transporte en avion-ambulance du toit de l’hôpital de Chicoutimi à celui du CHU Sainte-Justine. Diagnostic officiel : leucémie aigüe lymphoblastique de type T à risque élevé de récidive.
Pas besoin d’être médecin pour comprendre que ce n’est pas un cadeau. Ça fait peur. À travers les milles-et-unes nouvelles informations et les nouveaux mots, notre référence, notre guide pour les deux prochaines années : le protocole de Boston 2006.
Je me souviens encore comment il était épais. Il comportait tous les traitements dont j’allais avoir besoin, les doses, les alternatives et bien d’autres choses qui m’échappent aujourd’hui. Ce que j’aimais de ce protocole? Sa fin! La fin de ma maladie, la fin de ma souffrance, la fin de ce cauchemar.
Ce que petite Justine ne savait pas encore, ou du moins, ne réalisait pas, c’était à quel point la chimiothérapie et la radiothérapie infligées pendant ce temps causeraient de nombreux dommages à son corps. Et à celui de la femme que je suis devenue.
Ma vie a été sauvée, mais les traitements ont laissé des effets secondaires majeurs m’obligeant à faire le deuil de plusieurs choses : courir à cause d’os trop fragiles, une belle chevelure naturelle dû à la mort de mes cellules capillaires, une tension artérielle normale, un niveau d’énergie décent, une santé mentale stable, la capacité d’avoir des enfants naturellement, et j’en passe.
Bien sûr, le but premier était de me guérir et de me sauver la vie. À 24 ans aujourd’hui, si j’ai la chance de vivre et de rêver à un futur, c’est grâce aux avancées en recherche sur les cancers pédiatriques. Je sais combien les dons transforment la vie d’autres petites Justine comme moi. D’ailleurs, vers l’âge de 19 ans, je me suis impliquée dans l’étude PÉTALE à Sainte-Justine, car je voulais faire avancer la recherche et aider à prévenir les effets tardifs des traitements contre la leucémie.
Les années passent et petite Justine vieillit. Plus le temps avance, plus je ressens un sentiment d’urgence face à la maternité. Je sais que je ferai face à des défis de fertilité. Si je veux des enfants un jour, il faut monter un plan et agir.
Après quelques démarches avec mon médecin et la mise au point d’un plan d’action, la pandémie frappe. Tout est mis sur pause. Le plan – et mon rêve – doit encore attendre, même si mon désir de devenir maman, lui, ne cesse de grandir. Un semblant de vie continue.
Près de deux ans plus tard, un jour d’août 2021, je discute avec ma pharmacienne après avoir remarqué plusieurs symptômes louches.
Elle me propose de faire un test de grossesse.
« Impossible que je sois enceinte. » Je suis tellement convaincue qu’il sera négatif, que j’oublie presque de regarder le résultat. Je fixe finalement le pictogramme en pensant que je ne saisis pas correctement le nombre de lignes.
« Impossible, ça doit être un faux positif. » Je m’en veux de ne pas avoir acheté deux tests comme l’avait suggéré la pharmacienne.
Plus tard dans la même journée, assise dans ma salle de bain, je regarde les nombreux tests autour de moi, incrédules : ils sont tous positifs. Je n’en crois pas mes yeux.
L’impossible est bel et bien arrivé, mais, allais-je être capable de mener ma grossesse à terme? Et la panoplie de médicaments que j’ingère chaque jour, affectera-t-elle mon fœtus? Allais-je transmettre à mon bébé des cellules ou des gènes quelconques qui lui lègueront le cancer à un moment ou un autre?
Alors que je vis mon plus grand rêve, je ressens aussi la plus grande peur de ma vie adulte. Pour répondre à ces questions et surmonter l’angoisse, j’avais besoin de Sainte-Justine. Cette fois, ses équipes m’accompagneraient pour un autre chapitre déterminant : celui qui fera de moi une maman.
Avec les équipes de grossesse à risque élevé (GARE) et celles de médecine interne gynécologique obstétrique (MIGO), je me sens entre bonnes mains. Mes inquiétudes et mes craintes s’apaisent grâce au soutien supplémentaire en psychologie obtenu via le projet Grande Ourse (financé par la Fondation CHU Sainte-Justine) et les outils merveilleux mis à ma disposition pour gérer toute cette nouvelle, qui, aussi fantastique soit-elle, a été un choc et une tempête d’émotions.
Mois après mois, mon bébé grandit, et je vis le rêve : celui dont j’avais fait le deuil toute jeune. Dire que pendant des années, je me suis battue pour ma vie à Sainte-Justine et qu’aujourd’hui, plus de 10 ans plus tard, au même endroit, je m’apprête à donner la vie est digne d’une histoire exceptionnelle : la mienne, celle de Justine à Sainte-Justine.
Justine Tremblay
Maman et patiente de Sainte-Justine
*Les propos tenus dans cet article n’engagent que la personne signataire et ne doivent pas être considérés comme étant ceux de la Fondation CHU Sainte-Justine.
Enfin, maman
À l’heure où vous lisez ces lignes, Justine est enfin devenue maman. Elle savoure chaque instant de ce cadeau inattendu, mais tellement espéré. Elle et son fils Charles se portent bien.
La fertilité après l’oncologie
Un diagnostic de cancer chez l’enfant amène une charge émotive importante chez les familles. Bien qu’à ce moment, leur préoccupation principale soit la survie de leur enfant, les différentes options de préservation de la fertilité sont discutées avec l’équipe traitante.
Pour faciliter l’accès à ces options, un Comité Onco-Fertilité a été mis en place en 2019 au CHU Sainte-Justine, permettant d’établir une trajectoire de soins entre les secteurs de l’oncologie et celui du centre de procréation assisté. Ce comité améliore le travail collaboratif et les moyens de communications entre les équipes, y compris les patients.
Vos dons soutiennent l’excellence des équipes et l’innovation. Merci d’élever Sainte-Justine toujours plus haut. Pour les enfants d’aujourd’hui et les parents de demain.