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Parce que tu ne seras pas le dernier

Marie-Éve et son fils dans la neige

Mon Mousse,

Depuis un certain temps, je constate des marques sur ton corps. Des bleus démesurés, gros comme des pleines lunes. Mon cerveau fait mille et une pirouettes pour me convaincre que c’est normal. Tu persistes aussi à me dire que tout est beau, « chu correct m’man, arrête de t’inquiéter ». Puis, un matin, tu pars à ta pratique de hockey en épongeant ton nez et tes gencives qui saignent pour rien. Nous sommes le 11 mars 2021. On ne le sait pas encore, mais cette date marquera l’histoire de ta vie.

Nous ne sommes pas retournés entre les murs de Sainte-Justine depuis ta naissance, le 31 octobre 2005. Quinze ans plus tard, nous sommes assis ensemble à attendre que l’on t’appelle pour une ponction de moelle osseuse. La salle d’attente du Centre d’hémato-oncologie n’a pas la même odeur que la maternité du 4e. Ça ne sent pas le bébé neuf ici… ça sent les enfants qui se battent pour rester en vie.

Marie-Ève allaitant milan sur son lit d'hôpital
Milan bébé naissant – CHU Ste-Justine, 31 octobre 2005

Dans l’attente qui nous semble interminable, on examine un mur rempli de photos d’enfants passés par ici. Je n’ose pas croiser leur regard. Je commence à craindre d’y trouver le tien. J’essaie de te sourire, mais ça m’arrache le cœur. Tu me regardes comme on fixe l’agent de bord pendant des turbulences pour s’assurer qu’on ne va pas crasher.

À cet instant précis, j’ai l’impression d’avoir perdu toutes mes capacités maternelles. Je ne contrôle plus rien. On va te fouiller dans le creux de la moelle et je ne peux rien faire pour te protéger.

On finit par t’appeler. À la première prise de sang, tu perds connaissance. Tout le monde s’affaire à te stabiliser. Je suis figée. Tétanisée. Je m’effondre par en-dedans. Je veux être hier. Je veux être le 31 octobre 2005. Je veux te redonner vie et changer le cours de ce qui est en train de nous arriver. Je suis pétrifiée parce que je viens de saisir l’ampleur de ce qui s’en vient. La ponction va révéler quelque chose de terrible. Je le sens.

En fin d’après-midi, les résultats arrivent. Rendu là, tes batteries sont à terre. Ta réserve de plaquettes est pratiquement épuisée et ton hémoglobine est à un taux de vampire en désintoxe. J’entends ce que le médecin dit : « Anémie. Aplasique. Sévère. Insuffisance de la moelle osseuse. Transfusions. Greffe. Isolement ». J’entends. Mais mon cerveau refuse d’assimiler l’information. Ton père est au bout du fil, pandémie oblige. Sa voix sonne comme celle d’un papa démoli. Il cherche à comprendre notre part de responsabilité dans cette injustice qui vient de nous tomber dessus. Quel aliment poison as-tu mangé? Dans quel lac pourri t’es-tu baigné? Avec quelle crème solaire t’a-t-on intoxiqué? Il est dans le pourquoi. Moi, je suis dans le comment. Comment faire pour te sortir d’ici vivant.

Ce soir-là, tu as reçu ta première transfusion de plaquettes en pleurant. Tu réalises que ta saison de hockey, ton année scolaire et ta vie d’ado viennent de glisser sous tes pieds. On t’annonce que si tout va bien, ce cauchemar aplasique pourrait durer plus d’un an. Je donnerais tout ce que j’ai pour prendre le diagnostic à ta place. La chaine de ta vie d’élève-athlète vient de débarquer, et le choc est violent. Ton regard est vide. Ta colère est silencieuse.

Pendant ta première nuit à l’hôpital, je n’ai pas fermé l’œil. J’ai essayé d’empêcher mes pensées d’aller vers des scénarios catastrophes. Mais ce soir-là, à travers mes larmes, l’idée de ta mortalité est venue m’effleurer… Et je n’ai jamais eu aussi peur de toute ma vie.

Face à cette impuissance, mon seul réconfort était de savoir que Sainte-Justine était le meilleur endroit au monde pour toi à ce moment-là. Ici, les équipes soignantes sont hautement réputées pour scorer contre les cochonneries qui s’incrustent dans le corps des enfants. Alors, je me suis fait la promesse qu’on allait s’accrocher à ça pour avancer. Qu’on allait se fier aux Crosby, aux McDavid et aux Matthews de l’hémato-oncologie du Centre de cancérologie Charles-Bruneau. Le CHU Sainte-Justine t’a vu naître et il allait te donner une seconde chance. Ça ne pouvait finir autrement.

Marie-Ève sur son lit d'hôpital
Première transfusion de plaquettes, 11 mars 2021

Cette deuxième chance, elle est arrivée le 18 mai 2021. Après des semaines rythmées par les prises de sang, les transfusions et les rendez-vous avec des spécialistes en hémato-onco-immuno-radio-cardio-inhalo-dermato-physio-fertilité-nutrition– name it! ; on y était enfin. Le Jour G(reffe). Après six jours de chimio consécutifs, dix petits sacs de cellules souches extraites d’un donneur-sauveur sont venus te rejoindre en chambre stérile. Cette précieuse potion avait pour mission de réinitialiser ton système immunitaire. Ta 2e vie commençait ici.

Faire équipe avec la grande famille de Sainte-Justine

Pendant tout ton parcours à Sainte-Justine, j’ai observé les équipes médicales te prodiguer les meilleurs soins, avec une rigueur irréprochable. Dans toute l’horreur de ton drame, j’ai perçu beaucoup de beauté dans la façon dont les soignants se sont occupés de ta survie. Je les ai vus ajuster leurs gestes à ton humeur et à ta douleur, avec tant de délicatesse et de bienveillance. Constater que la douceur ferait aussi partie de ton traitement m’a permis de laisser tomber ma garde. Ton père et moi n’étions plus les seuls au front. Une armée détenant une expertise médicale blindée s’occupait de toi, et ce, avec humanité. J’ai pu recommencer à respirer. Ma douleur s’est apaisée. Je peux même dire que j’ai développé un étrange sentiment d’appartenance à ton hôpital…Ici, d’autres mamans vivaient la même chose que moi. Nos enfants n’avaient pas tous le même adversaire, mais pour un temps, on jouait dans la même équipe. Si ta résilience et ton calme ont été mes premiers piliers dans cette nouvelle réalité aplasique, la présence rassurante des soignants et le soutien inconditionnel des mamans de Sainte-Justine m’ont définitivement permis de me tenir debout.

Donner au suivant, mensuellement

En tant que parent, on ne peut évidemment pas vivre en pensant qu’un diagnostic pédiatrique horrible viendra frapper à notre porte. En revanche, on ne peut s’imaginer que de telles injustices n’arrivent qu’aux autres. La maladie s’invite où elle le veut, quand elle le veut, même chez les enfants en parfaite santé comme toi. Dans les mois et les années à venir, d’autres enfants du Québec recevront un diagnostic qui changera leur vie et leurs parents les accompagneront dans l’épreuve. Or, nous avons la possibilité d’agir en amont, en appuyant notre CHU Sainte-Justine, à la hauteur de nos capacités financières.

Pour moi, le don mensuel est la façon idéale de m’assurer que des fonds soient disponibles au quotidien, afin que tous les enfants admis dans ton hôpital continuent de recevoir les meilleurs soins, tout en contribuant à ce que des projets de recherche innovants soient soutenus en continu. Sais-tu à quel point la recherche est cruciale pour sauver des vies? Les premières greffes de cellules souches pour traiter une anémie aplasique comme la tienne ont eu lieu au tournant des années 80. Ça fait tout juste 40 ans!

Toi et moi avons été aux premières loges pour constater à quel point les dons ont le pouvoir d’adoucir le parcours des petits malades. J’espère maintenant que ton histoire incitera de nouveaux donateurs à choisir le don mensuel, afin que la recherche avance, que les traitements se multiplient, et que les maladies incurables soient un jour chose du passé.

Marie-Ève et son fils à l'hôpital pour un suivi en hémato
Jour de suivi en hématologie, 4 août 2022

Le calme après la tempête

C’est ainsi qu’après 41 jours d’hospitalisation, tu as pu rentrer à la maison et retrouver tes frères. Ta formule sanguine s’améliore tranquillement, mais à la fin de l’été 2021, des signes de rejet nous donnent la frousse… Tu recommences quand même à t’entrainer, puis à patiner, ce qui te permet de rester positif, tout en faisant l’école à la maison, en suivant une diète post-greffe très restrictive, en ayant des rendez-vous de suivi hebdomadaires, et en prenant des tonnes de médicaments. Puis, en mars 2022, presqu’un an jour pour jour après ton diagnostic, tu reprends les cours en présentiel et tu recommences à jouer des matchs avec ton équipe qui t’attend impatiemment. L’étape ultime de ton retour à ta vie d’élève-athlète arrive en septembre 2022, lorsque tu quittes la maison pour aller poursuive ton cheminement académique et athlétique dans un prep-school en Ontario.

Saison 2022-2023, Ontario Hockey Academy

Je suis si fière de toi mon Mousse! Quelle force de caractère! Tu m’inspires à tous les jours, tu sais? Surtout quand je trouve difficile de reprendre le cours de la vie normale. Tant de traumas enfouis, de craintes et d’angoisses refoulées. J’ai besoin de soigner mes blessures au haut-du-(coeur) et de prendre un peu de temps pour panser mes plaies de la saison dernière. But I’m ready to trust life again, with you by my side.

Parce que, malheureusement, tu ne seras pas le dernier…

J’espère que d’autres mamans auront la chance de traverser leur tempête avec un enfant aussi courageux que toi, et qu’elles pourront, elles aussi, avoir le privilège de remercier Sainte-Justine et sa Fondation, et de serrer leur amour dans leur bras, encore et encore.

Je t’aime

Maman xxx

Nous deux

Marie-Eve Carrier
Maman et donatrice mensuelle

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