Pour son 2e accouchement, Sandra est suivie de près à la clinique de grossesses à risque élevé (GARE) du CHU Sainte-Justine : elle a trop de liquide amniotique. La cause reste indéterminée, mais de tous les scénarios évoqués, rien ne laisse présager que sa fille, Kloé, est atteinte d’une grave maladie orpheline.
Sandra accouche d’urgence par césarienne le 23 avril 2013 à Sainte-Justine. Elle est placée dans une salle de réveil pendant qu’on s’occupe de sa petite. L’infirmière vient la voir : 9/10 dans le test d’Apgar. Kloé va bien. Mais les heures passent et le mari de Sandra ne vient pas la rejoindre. Sa fille non plus.
Quatre heures après l’accouchement, il arrive en larmes, seul et incapable de parler : Kloé a une atrésie de l’œsophage de type C, jumelée à une fistule trachéo-oesophagienne et un retard de croissance.

Seulement une vingtaine d’enfants au Québec naissent chaque année avec l’atrésie de l’œsophage. C’est une maladie rare (orpheline), souvent accompagnée d’autres malformations congénitales. Kloé est chanceuse : elle peut être opérée d’urgence dès sa naissance dans le but de reconnecter son œsophage avec son estomac. Certains enfants doivent attendre plusieurs mois avant de subir l’opération.

Même si l’opération est un succès, Kloé n’est pas au bout de ses peines : à chaque fois qu’elle boit, elle manque d’air. Après plusieurs semaines d’hospitalisation, on lui diagnostique une autre malformation : une sténose congénitale de l’œsophage. Plus bas, il y a une partie de son tube digestif qui est rigide, comme la trachée. Quand elle boit, son tube reste petit et comprime sa trachée. De plus, elle a une trachéomalacie (trachée molle), ce qui fait que l’œsophage prend de l’expansion et comprime sa trachée.
Chaque fois que je lui donnais à boire, elle devenait bleue dans mes bras. Entre les soins intensifs et la néonatalogie, entre les allers-retours à la maison et les séances d’intubation, nous sommes restés trois mois à Sainte-Justine avant de pouvoir sortir une première fois.
Toute la famille revient à Sainte-Justine quand Kloé a 7 mois pour une grosse opération : enlever le bout d’œsophage qui est rigide. Ils l’opèrent à nouveau par le thorax, en écartant les côtes… L’opération est difficile pour Kloé : trois dures semaines de convalescence.
Elle sort juste à temps pour Noël, mais n’arrive pas à bien s’alimenter : après l’opération, les tissus cicatriciels se sont trop refermés. Pendant les années suivantes, Kloé doit souvent venir à Sainte-Justine pour faire des dilatations de son l’œsophage et effectuer des examens de suivis. S’alimenter reste un défi perpétuel, même si cela va en s’améliorant.

Même si Kloé va mieux aujourd’hui, elle a encore besoin de soins en lien avec sa condition. Elle dit souvent que quand elle a mal, elle pense à quelque chose de beau. Elle a une grande résilience et c’est une source d’inspiration pour toute notre famille.
Courir pour redonner
Sandra a toujours eu le goût d’aider. Le sentiment devient encore plus fort dans la chambre d’hôpital de Kloé, après la naissance. Elle a la conviction qu’elle doit faire quelque chose pour aider sa fille. Pour aider les autres familles.
Le fait de côtoyer à tous les jours des parents et des enfants qui vivent la même chose, mais qui en plus vivent un énorme stress financier ou doivent voyager pendant des heures pour leurs suivis, l’affecte profondément. Elle veut contribuer à la recherche et l’amélioration des soins de la clinique de l’atrésie de l’œsophage, mais c’est aussi et surtout pour ces familles qu’elle a le goût de redonner. Sandra ne sait pas quoi faire, mais elle sait qu’elle aime courir…
Je participais déjà à la Course Banque Scotia et je savais qu’il y avait un défi caritatif pour amasser des fonds. En plein mois de janvier 2014, au chalet, avec ma petite dans les bras, j’ai créé l’équipe « Atrésie de l’œsophage – CHU Sainte-Justine ». Nous étions neuf coureurs et mon premier objectif de collecte de fonds était de 300 $.





L’équipe de Sandra amasse finalement plus de 70 000 $ la première année, soit 60 % de tous les fonds récoltés par les équipes de la Fondation. Une grande partie de cet exploit revient à son beau-père, « Papy » Yvon Loiselle, qui prend le défi sous son aile. Impliqué dans le monde des affaires et des finances, il sollicite tout son réseau pour l’équipe.
À chaque nouvelle édition, il motive Sandra à participer au Défi et à mettre l’équipe sur pied. Yvon s’est dédié à la cause et était apprécié de tous. Malheureusement, il est décédé en décembre 2018, quelques mois avant le Défi Banque Scotia.
Le lien qu’il partageait avec Kloé et Roxanne, ses deux seules petites-filles, était très spécial. Nos filles, c’était sa vie. Dès la première année, il a dit qu’il allait nous aider. Il n’avait pas peur d’aller cogner aux portes et de demander de l’aide. Il nous épaulait aussi avec l’équipe.


Depuis 2014, l’équipe de Sandra a amassé plus de 263 000 $ pour la clinique de l’atrésie de l’œsophage. Recherche, soins, aide aux parents : beaucoup d’améliorations se sont réalisées au fil des années grâce aux dons amassés. La clinique a même fait l’acquisition d’un appareil pour le bloc opératoire, un Endoflip, pour améliorer la précision des dilatations. Kloé l’utilise d’ailleurs régulièrement lors de ses rendez-vous. Les fonds récoltés permettent aussi de défrayer les coûts pour l’hébergement au Manoir Ronald-McDonald et le stationnement pour les familles d’enfants hospitalisés.

Je suis chanceuse : j’ai réalisé mon rêve de courir avec ma fille au Défi caritatif Banque Scotia en 2017. Chaque année, quand je cours, je pense aux autres familles qui viennent d’avoir le diagnostic. Je veux leur donner l’espoir que leur enfant peut s’en sortir. Quand on voit Kloé aujourd’hui courir et bondir partout, ça donne de l’énergie pour continuer à avancer.