22 novembre 2019. J’étais au Marché Atwater entre deux sapins de Noël à faire des « faces comiques » pour la photographe du Journal de Montréal. Je venais de faire l’annonce de mon tout premier spectacle d’humour. Je chassais la grisaille de novembre avec mon bonheur de gars qui réalisait son rêve, enfin. J’ai alors reçu un texto de mon ex qui est non seulement la maman de Xavier, mais aussi une infirmière.
« Xa vient de vomir en jet à l’école… Je commence à trouver ça vraiment bizarre Jo. Je m’en vais à Sainte-Justine, tu viendras nous rejoindre quand tu peux. »
Ça faisait deux semaines que de mon côté je soupçonnais une commotion cérébrale suite à quelques coups reçus à la tête lors de matchs de hockey. Disons que Xavier ne passe pas inaperçu sur une patinoire.
Il se lance partout, bloque des lancers et a le cœur gros comme une zamboni. Un petit guerrier qui a la réputation d’être un « Gallagher » du Atome BB. Toujours en train de se faire mal pour son équipe.
Je suis donc allé les rejoindre à Sainte-Justine. Nous étions dans une petite pièce à attendre les résultats d’un scan. Je filmais Xavier qui chantait du Lisa Leblanc en nous montrant qu’il était branché à des machines. Il était souriant, drôle et pétillant. Plus aucun symptôme de « choc électrique » dans sa tête ni de vomissement. Il m’avait demandé d’aller à l’aréna en soirée pour encourager son équipe de hockey, même s’il ne jouait pas. #CoeurGrosCommeUneZamboni #ToutAllaitBien
Un médecin est alors entré avec une infirmière. Ils semblaient tous deux préoccupés. Le médecin a regardé Xavier et a dit : « Hey mon petit bonhomme, je vais aller parler à tes parents de l’autre côté, on revient tout de suite… »
J’ai regardé mon ex, et dans ses yeux, j’ai vu une maman inquiète, mais j’ai aussi vu l’infirmière qui savait que quelque chose clochait.
C’est dans cette « petite pièce d’à côté » que le cauchemar a commencé.
Le docteur nous a dit des choses qu’un parent ne veut jamais entendre au courant de son existence. « Je suis tellement désolé, j’ai pas de bonnes nouvelles… Ce n’est pas une commotion… Sur le scan, on a découvert une grosse masse entre le tronc cérébral et le cervelet… Xavier ne pourra plus sortir d’ici. On doit l’opérer d’urgence… parce que… sinon… bien… on va se dire les vraies choses, les vrais mots, ok? Xavier a une énorme tumeur au cerveau, c’est pas joli et si on ne l’opère pas tout de suite… c’est une question de jours… »
Je ne me rappelle plus de ce qu’il disait après. Il nous rassurait. Un bon monsieur. Mais, j’étais ailleurs… J’ai perdu le peu de naïveté qu’il me restait, le 22 novembre 2019. J’ai réalisé que ma vie ne serait plus jamais la même. Que plus jamais, j’allais avoir le sentiment de légèreté qui nous habite tous sans le savoir.
Mon fils Xavier, un des deux êtres humains que j’aime le plus au monde, était menacé et je ne pouvais RIEN faire pour le protéger. L’être humain avec le plus grand cœur que je connaisse était victime d’une injustice incommensurable. On m’a frappé et je ne l’ai pas vu venir, un train dans mon angle mort… Une journée qui allait si bien… Le karma venait cracher son venin et me tuer… littéralement.
Sa mère et moi, on s’est serrés fort dans nos bras. Tout s’est écroulé autour de nous. Ça faisait si mal. Inexplicable. Je ne trouverai jamais les bons mots pour vous décrire cette douleur. Mais lorsque ça nous arrive. Nous voulons entendre ce que j’ai eu la chance d’entendre par la suite…
« Il y a déjà une équipe de mobilisée qui regarde présentement les images du cerveau de Xavier. Le Dr Weil, un excellent neurochirurgien, étudie, au moment où l’on se parle, les images du scan et s’en vient d’ici maximum vingt minutes pour vous expliquer le plan de match. »
Le Dr Weil est arrivé. Quel homme exceptionnel. Il nous a rassuré.
Il nous a expliqué que le mot « tumeur » faisait extrêmement peur. Cependant, pour lui et son équipe… c’était malheureusement leur quotidien de retirer ce type de tumeur. Que cette tumeur était super bien placée pour être retirée. Que pour le moment, il lui était impossible de savoir si c’était un cancer ou pas. Que nous traverserions la rivière, une fois rendu au pont. Que c’était normal d’avoir peur, mais que toute une équipe était avec nous. Recherche, salle d’op, médecins, infirmières, radiologistes, etc. J’ai senti que des gens partaient à la guerre avec nous.
Je pensais que de se faire dire que notre enfant était malade était la pire chose au monde… Non, lui annoncer est encore pire. Faites-moi confiance. Nous avons entouré son lit. Il a regardé sa mère : « Bon… qu’est-ce que j’ai dans ma tête? »
Je lui ai pris la main et j’ai maladroitement dit :
« Bon bien Xa, bonne nouvelle, tu n’as pas de commotion… mais mauvaise nouvelle tu as comme une… genre…de petite bille… tumeur… qu’il faut enlever… »
J’ai figé. J’avais tellement mal. Comment je pouvais annoncer ça a un petit gars de 10 ans.
Le Dr Weil m’a regardé et a poursuivi.
« Ce que ton père te dit mon Xavier c’est que tu as une tumeur au cerveau qui fait la taille d’un petit avocat, mais que moi, mon travail c’est d’enlever ça régulièrement … D’ici trois jours, tu en as plus… promis. »
Sa maman a pris le flambeau et l’a consolé.
Depuis que Xavier est tout petit lorsque je veux lui expliquer d’y aller avec logique.
Je lui répète :
« Xavier, 1+1 ? »
Ce à quoi il me répond en roulant des yeux : « 2!!!! »
« Si t’as froid dehors, ne te plains pas, pis mets un manteau! La logique, mon gars! »
Xavier a vu mes yeux se remplir d’eau et m’a dit :
« Papa… 1+1 ? »
J’ai répondu : « 2 »
« J’ai une tumeur au cerveau. La logique veut que si je veux vivre faut l’enlever. »
On s’est serrés fort dans nos bras. Le Dr Weil lui a promis qu’il allait un jour rejouer au hockey. Xavier a gardé cet objectif en tête.
Le matin que tu dis au revoir à ton enfant qui quitte vers une salle d’opération en ne sachant pas dans quel état tu vas le retrouver, tu es content de savoir que des équipes de recherche travaillent d’arrache-pied pour trouver des solutions pour sauver des enfants. Et que grâce à elles, mon Xavier avait de bonnes chances de revenir comme il était parti.
La journée que tu pensais pas que ça existait « Aller encore plus bas » et qu’on t’annonce que finalement c’est un foutu cancer du cerveau, tu t’accroches à ces équipes de recherche qui donnent à des médecins comme le Dr Perreault, le Dr Charpentier et tous les autres, les outils nécessaires pour sauver ces enfants.
Vous savez ce sentiment de se réveiller en panique en plein cauchemar et qu’une fraction de seconde plus tard tu te dis : « Fiou…. c’était un cauchemar… »
Pour les parents d’enfants malades, c’est l’inverse… Tu te réveilles et tu te dis : « Fiou c’était un… ah non… c’est vrai… mon enfant a le cancer… »
Votre cauchemar… Est notre réalité.
Tu as mal.
En tout temps.
Tu te réveilles à 2 AM et tu vas prendre de longues marches en parlant à tu ne sais pas qui, mais en le suppliant de laisser ton enfant vivre.
Tu ne dors plus et tu es à tous les jours à l’hôpital à espérer que les traitements fonctionnent. Tu ne travailles plus. Ta vie est sur pause, et même si tu as toujours eu de l’argent de côté, tu te retrouves dans une situation précaire. Tu essaies d’avancer mais tu as peur à chaque seconde de perdre ton enfant.
Tu vis dans une noirceur où ta seule lumière est portée par la recherche.
C’est ton unique espoir. Que la recherche trouve des miracles pour sauver ton enfant et ceux des autres.
J’ai vu des parents perdre des enfants. J’ai vu des enfants guérir. J’ai vu des spécialistes tout donner pour sauver un enfant. Le mot enfant n’a pas sa place dans aucune de ces phrases.
Nous avons maintenant huit ans à attendre que la nature et la recherche guérissent mon enfant. Il n’y a plus aucune trace de cancer présentement dans la tête de mon Xavier. On ne peut pas dire qu’il est guéri, tel est le protocole. Mais il a une victoire… Il a rejoué au hockey… Il a marqué des buts et à son premier match, il se lançait devant les rondelles pour bloquer des lancers… #CoeurGrosCommeUneZamboni
Aujourd’hui, je souligne l’importance de cette police d’assurance qu’est Sainte-Justine et son Centre de recherche… Je veux que les parents qui se retrouveront malheureusement dans notre situation puisse compter sur la recherche pour donner espoir, apaiser leur douleur et sauver leur enfant.
Merci Dr Weil, Dr Perreault, Dr Charpentier, Bénédicte, et toute l’équipe de Sainte-Justine et de son Centre de recherche. Et bravo à tous ceux qui dans cet établissement se donnent corps et âme à la santé des enfants.
Les enfants représentent peut-être 20% de la population, mais ils représentent 100% de l’avenir.
Jo Roberge
*Les propos tenus dans cet article n’engagent que la personne signataire et ne doivent pas être considérés comme étant ceux de la Fondation CHU Sainte-Justine.